Le jésuite James Martin, une sorte de Raymond Gravel à l’américaine, s’est donné toute une mission : rendre possibles le dialogue et la réconciliation entre l’Église catholique et la communauté LGBT. Ça ne sera pas facile. Publié en anglais l’an dernier, son essai Bâtir un pont (Cerf, 2018, 240 pages) vient de paraître en traduction française. Dans l’introduction de cette édition révisée et augmentée, le prêtre révèle que son livre, qui a reçu l’approbation de son supérieur, « a néanmoins déclenché un déferlement de haine dans quelques cercles de l’Église ».
Le père Martin, pourtant, avance prudemment. Il se défend de toute intention polémique et dit seulement souhaiter plus de compréhension entre les catholiques LGBT et l’Église institutionnelle. Pour adoucir la conversation qu’il appelle de ses voeux, le jésuite laisse même de côté les sujets qui fâchent le plus, c’est-à-dire la question des agressions sexuelles commises par des prêtres et celle de l’enseignement de l’Église sur les relations homosexuelles. Il y a, écrit-il, des catholiques LGBT. Ils se sentent trop souvent exclus par l’Église et en sont blessés. La foi en Jésus, croit Martin, ne peut s’accommoder de cette situation.
Respect et délicatesse
Le Catéchisme de l’Église catholique affirme que les personnes LGBT « doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse ». Pour cela, écrit Martin, il importe d’abord que l’Église admette l’existence de cette communauté. Il faut aussi qu’elle reconnaisse « que les catholiques LGBT ont des talents uniques à déployer dans l’Église ». Longtemps rejetées et exposées à la haine, ces personnes ont souvent développé « une sympathie naturelle pour les exclus » et en connaissent un bout sur la persévérance — elles sont restées catholiques malgré les affronts — et sur le pardon. Certaines d’entre elles — Mychal Judge et Henri Nouwen sont mentionnés dans le livre — dégagent même « une certaine sainteté ».
Quand l’Église américaine licencie certains de ses employés qui s’identifient comme LGBT, elle commet une discrimination injuste. Les organismes de l’Église, écrit le père Martin, ont le droit d’exiger de leurs employés qu’ils respectent l’enseignement de l’Église. Le problème vient du fait que ce principe, qui sert parfois à justifier l’exclusion des LGBT, s’applique de manière très sélective. Licencie-t-on, demande le prêtre, « ceux qui n’aident pas les pauvres, ceux qui ne pardonnent pas, ceux qui n’aiment pas leur prochain ou qui se montrent cruels » ?
Faire preuve de compassion envers les personnes LGBT, continue le jésuite, ça doit aussi vouloir dire prendre leur défense dans les pays où elles sont persécutées, voire mises à mort. La délicatesse, enfin, exigerait que soit abandonnée, dans le Catéchisme, l’expression « objectivement désordonnée », utilisée pour qualifier l’attirance homosexuelle.